L’église protestante de Kanaky
Nouvelle-Calédonie installe un nouveau pasteur à Maré. Signe particulier,
c’est une femme. Si le pays compte déjà quatre femmes pasteurs, Hnaelane Dihace
innove en prenant seule son ministère. Habituellement, une femme pasteur le
devient à la suite de son mari.
Rencontre avec cette jeune femme de 34 ans,
sûre de son engagement au service des paroissiens.
Rien ne prédestinait Hnaelane, titulaire d’un bac en
comptabilité gestion, enseignante remplaçante dans les écoles de Maré, à suivre
un chemin religieux. « C’est en 2012, au cours d’une célébration de la
Pentecôte à Padawa, que j’ai reçu ma vocation. Je suis allée vers le pasteur
pour tirer le bâton et m’engager à suivre des études de théologie à
Béthanie ». Hnaelane y entre en 2013 pour quatre années qu’elle juge
difficiles. Si rien n’interdit aux femmes de s’engager sur cette voie
pastorale, elles ne sont qu’une poignée à l’emprunter.
« J’ai parfois eu envie de tout lâcher mais ma foi en
Dieu a été plus forte ». Hier, au cours d’une cérémonie d’installation,
Hnaelane s’est engagée à vivre deux années à l’écoute et au service des
paroissiens de Tuo. Parce qu’elle a toujours vécu à Maré, elle aurait aimé effectuer
ces deux années sur la Grande Terre pour avoir une autre vision de la vie avant
de rentrer sur son île. « Le point positif c’est qu’on peut continuer à
cultiver notre terre. Mon mari y est très attaché », dit-elle avec
réserve.
Pendant cette période appelée proposanat, un autre pasteur de
Maré suivra son travail et jugera de ses qualités à tenir un ministère complet.
Au bout d’une première année, elle passera l’étape dite de la délégation et
pourra célébrer plus que le culte dominical. « Ça n’est qu’une fois
consacrée dans mon ministère, au bout des deux ans, que je pourrai célébrer les
sacrements du baptême et de la sainte-cène », explique-t-elle.
Les trois jours qui ont précédé son arrivée dans cette petite
tribu du Guahma ont été intenses pour Hnaelane. Jeudi, la paroisse de Wabao, où
elle vivait avec son mari, a préparé un dernier repas à partager. Vendredi,
c’est tout le consistoire de Wabao qui a conseillé et encouragé la jeune
pasteur. Samedi, le conseil régional de Maré s’y est déplacé pour une cérémonie
coutumière à l’issue de laquelle Hnaelane et son mari ont été conduits à Tuo où
étaient rassemblés les paroissiens du consistoire de Nécé.
Shonu, son mari depuis fin 2013, est prêt à l’accompagner
jusqu’au bout. « J’ai eu peur un temps qu’on se moque de moi car c’est la
première femme pasteur dont le mari ne l’est pas. Mais j’ai dépassé cela et je
sais qu’il faut aller de l’avant et vivre le moment présent. Dieu nous suit.
C’était une volonté commune. Nous sommes dorénavant maîtres de nous-mêmes ».
S’il sait que ce sera difficile, il se dit fier de montrer ainsi qu’on peut
être un homme kanak et considérer sa femme comme son égal. « Je suis issu
de la culture kanak mais je veux donner une place importante à mon épouse. Nous
discutons, nous nous affrontons aussi, mais nous avançons ensemble ». « La
violence, l’alcool et la drogue qui dominent la jeunesse » sont l’un des
premiers combats qu’ils veulent mener auprès de leurs nouveaux paroissiens.
Formée sur ces thématiques lors de ses années à Béthanie, Hnaelane a déjà en
tête d’organiser un séminaire sur ces sujets.