Ozin est notre amie. Nous avons fait sa connaissance sur le marché des paquebots. Elle y travaille pour Pa Hudruné. Lorsque je ne travaillais pas, je leur donnais la main. Nous avons appris à nous apprécier. Elle m'a donné de précieux conseils pour partager et découvrir Maré et les maréens, à leur rythme.
Un jour, je l'ai vu qui écrivait sur un petit carnet... des poèmes. Très beaux...
Fin juin, elle a fait une lecture de quelques'unes de ses compositions à l'université de Nouvelle-Calédonie, invitée par Véronique, une amie commune. J'en ai profité pour faire son portrait pour une parution dans la presse. C'était ce matin. J'en ai encore des larmes aux yeux et des frissons aux bras.
Je vous livre la version transmise aux Nouvelles et à Construire les Loyauté. Les photos sont de Véronique, sauf celle-ci prise sur le site de la fête de la famille, qui a débuté aujourd'hui.
Elle était il y a
quelques jours à l’université de Nouvelle-Calédonie pour y faire la lecture de
quelques-uns de ses poèmes. Rencontre avec Pa Ozin, autodidacte de l’écriture
et de l’émotion, « une femme de la tribu » comme elle aime à se
définir.
« Je ne me
souviens pas quand j’ai commencé à écrire. J’ai toujours aimé lire et écrire.
Depuis l’école ». Ozin
Eatene, que tous ici appellent Pa Ozin, est une grand-mère de 58 ans,
originaire de Nécé et mariée à Rôh. Elle n’a jamais véritablement travaillé
mais s’est toujours engagée pour sa tribu et son île. Intervenante bénévole
dans les écoles, elle a contribué à y mettre en place la langue Nengone. Femme
de caractère, elle s’investit depuis 30 ans dans le Mouvement des femmes.
Epouse d’un diacre, aujourd’hui à la retraite, elle se définit avant tout comme
« une femme de la tribu ».
Celle qui a quitté les bancs de l’école à la fin du collège, et
n’a jamais suivi de formation littéraire, lit et écrit comme elle respire. « L’envie d’écrire m’est venue
naturellement. J’écris spontanément, ça vient comme ça, c’est inexplicable. Parfois,
je papote avec des femmes et ça vient. Je me retire alors et m’isole pour
écrire sur mon petit calepin ou sur une feuille de papier que je trouve. Mes
discussions, ce que je vois, la vie m’inspire. La poésie n’est pas réfléchie. Avec
un cœur humble, l’esprit s’ouvre et la main suit », dit simplement Pa
Ozin.
« Lorsqu’il
pleuvait, le grand chef Henri Naisseline venait nous chercher avec sa 2CV pour
nous amener à l’école. C’était important pour lui. Je crois que c’est pour ça
que j’ai aimé l’école. Parce qu’il y avait quelqu’un derrière nous qui nous
poussait ». Ses
instituteurs, Paris Kaloï et Monsieur Brecard, sont aussi à l’origine de son
goût pour les mots et la rigueur de cette instruction à l’ancienne. Elle
continue à travailler sa mémoire en recopiant des lignes et des lignes et se
souvient combien elle aimait écouter les contes en classe.
Aujourd’hui, c’est elle qui conte ou lit ses propres poèmes
et en retire une émotion qu’elle ose à peine avouer tant l’humilité lui paraît
être la qualité suprême. « Ils m’ont
applaudi, m’ont dit merci. Leurs sourires et leurs remerciements ont été ma
récompense », dit-elle en évoquant les étudiants lors sa lecture au
sein de l’université dans la soirée du mercredi 28 juin. « Ce qui m’a émerveillé, c’est que je n’ai pas touché que le cœur
du kanak. J’ai vu des larmes aux yeux des étudiants. Je sais qu’ils ont besoin
de ça, de mots doux, qui apaisent le cœur ». Si elle ressent le
bonheur que procurent les mots, elle sait aussi qu’écrire la rend heureuse et
lui fait du bien.
Cette lecture devant un parterre de lettrés était une
première pour Pa Ozin à qui il arrive de lire ses productions à quelques femmes
présentes lorsqu’elle vient d’écrire. C’est lors de la première édition de la
journée des femmes No Nengone en 2015 qu’elle a écrit « Elles se
sourient ». Aujourd’hui que Maré accueille les journées provinciales de la
famille, elle se remémore son poème « La famille » composé en 2002.
Elle écrit parfois lorsqu’une figure de Maré est mise à l’honneur, comme Rosina
ou Pa Charlotte, femmes engagées pour les femmes. Certains de ses poèmes l’ont
faite sortir de l’ombre qu’elle affectionne. Jacques D’André a voulu en faire
paraître quelques-uns dans le magazine des Loyauté. Celle qui ambitionne de
sortir un jour un recueil lui rend hommage. « Il
est comme une poignée de porte. Il a ouvert quelque chose ». Pa Ozin
aimerait donner ce qu’elle a reçu. « Je
pense que ma façon d’écrire est innée. Un proverbe kanak dit qu’il ne faut pas
attendre de ne plus pouvoir sortir de la case pour sortir ses dons. Quand on a
un don, il faut le travailler, le sortir de la case ! », invite
Pa Ozin en guise de conclusion.
Lors de sa lecture à l'université le 28 juin dernier. "Les étudiants étaient redevenus comme des enfants (...) Il y a des mots qui libèrent". |
Elles se sourient est un poème qu'elle a composé en juin 2015, lors de la première édition de la journée de la femme organisée par la Commune.
A petit pas, elles
avancent
Leur logique d’être
mère
Protégeant à leurs
manières leurs enfants
La finesse d’être femme
Polyvalente et efficace
Donc, pas de souci
Elles se sourient
Il ne suffit que de peu
de choses
Pour que les femmes s’extasient
De bonheur, de
gratitude
Dans le charivari de
leur quotidien
Cousant les déchirures
profondes
Tressant la vie avec
passion
Elles se sourient
Parfois, dans le
silence
Elles livrent une
grande bataille
Dans l’incompréhension
totale,
Cherchant une faille,
qu’importe !
Mère nature les a
faites ainsi
Optimisant l’avenir de
leurs entrailles
Elles se sourient
L’institution fait les
merveilles
Des femmes dans la
société
Livrant le secret
De leurs savoir-faire
et,
En tournant la clé
De la porte de leurs
cœurs
Elles se sourient
Hélas ! Cela ne
coûte rien
Le sourire de ces
visages
L’humanité toute
entière
Dans le chaos et la
solitude
Marchande la paix
idéale et
Entende l’écho du
souffle de leur espérance
Elle se sourient
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