mercredi 2 mars 2016

La permaculture selon John...

Quand nous avons quitté John en cet fin d'après-midi, Sacha m'a dit : "je viens de vivre l'une de mes plus belles journées"...

 
Nous avons rencontré John par hasard. Il récupérait des cocos dans notre quartier, pour ces cochons. Nous étions sur notre terrasse, sur Skype avec Loïc et Sabine. Un simple regard l'a invité à venir vers nous. Raphaël et lui ont discuté longuement autour du jardin, de la culture, du bio...

En le croisant dans Tadine, je lui ai demandé s'il était d'accord pour que je vienne découvrir sa production bio et faire un article pour les Nouvelles. "Bien sûr, c'est important de valoriser ce que l'on fait" m'a-t-il répondu ! RDV pris.

J'ai proposé à Sacha de se joindre à moi. John en était ravi et m'a dit que parce qu'il était là, parce que c'était un enfant, il ne pouvait dire que la vérité. Parce que les adultes doivent transmettre aux enfants... Très pédagogue, John a su gardé l'attention de Sacha tout au long de ce très bel après-midi.



Il nous accueille sur la terre que cultivait déjà son père à Tadine. Il y cultive un mode de vie minimaliste hors du commun. Il ne vend pas sa production mais l’échange car donner est selon lui la vraie richesse. Adepte du partage en face à face, il n’a ni mobile ni internet. 
Il vit ici depuis toujours et n’a jamais quitté le territoire. « Ce sont les visages que je croise qui me donnent cette force-là » nous confie-t-il. Il sait qu’il a tout ce qu’il lui faut. C’est l’éducation qu’il a reçu de ses parents. Son père lui a donné ce qu’il devait savoir du clan et des coutumes. Sa mère lui a appris à discuter, à se comporter et l’a préparé à l’autosuffisance. C’est aussi avec eux qu’il a appris les signes... « Quand les cigales chantent, c’est que l’igname est mature. Certaines plantes indiquent le moment de débrousser ; d’autres lorsqu’elles fleurissent, celui de labourer. Quand la baleine souffle, il est temps de mettre en terre » nous explique-t-il.

A 49 ans aujourd’hui, il peut transmettre ce que les anciens lui ont donné et s’engage. En cultivant Bio, John travaille à la force des bras, sans agresser la terre. Il veut sauvegarder la nature, assurer son équilibre pour pouvoir léguer aux enfants ce qui leur appartient. En montrant le chemin, en invitant à venir s’inspirer chez lui, il ambitionne que chaque maison devienne autosuffisante, que « chaque enfant comprenne qu’on peut vivre ici, par soi-même, sans argent ».







Alors il choie sa terre et fabrique son compost à base de cocos, de feuilles, d’herbes coupées et de fumier qu’il broie pour donner à ses plantations les éléments organiques qui les aideront à s’épanouir. Les feuilles mortes ne sont pas brûlées. Elles se décomposent naturellement et retournent à la terre pour la nourrir. D’autres sont mises en macération afin que leur jus serve à arroser le jardin. Les plantes sont associées pour recréer l’harmonie et s’apporter mutuellement. « Tout doit cohabiter. Les ravageurs, les auxiliaires, c’est un équilibre. C’est pour ça que les plants de poivrons sont si beaux par exemple » nous explique John. 


Bec de perroquet
Un autre bec de perroquet

Avocat

Gousses de vanille

Lime Tahiti

Papayes

En passant devant un hibiscus à la forme étonnante, nous remarquons que ses branches ont été tressées. En guidant la pousse de ce pied, John a évité qu’il vienne gêner la progression du manguier juste derrière. Il se félicite de ne pas avoir eu à couper les branches de l’hibiscus qui poussaient si bien.

De ses pratiques respectueuses naissent, de part et d’autre de son gigantesque jardin, des fleurs, des plantes d’ornement ou médicinales, des arbres fruitiers, des légumes, mais aussi des épices comme le cari, des herbes condimentaires comme le romarin, et même du café. John en a planté quelques pieds « Royal » près d’un arbre dont les feuilles tombées produisent l’azote nécessaire à cette production. « Chaque maison pourrait boire son propre café. Il suffit de cueillir les graines, les faire griller puis les moudre » ambitionne-t-il. Quelques parcs à cochons et un poulailler complètent ce « magasin fait maison» comme il l’appelle.

Cari
Café "royal"






Replanter est un autre des engagements de John. Le Kaori est un arbre endémique de Grande Terre. Introduit et préservé à Maré, il permettra aux générations futures de continuer à l’utiliser dans la fabrication des cases. Il en va de même pour les bananiers qui à Maré ont la chance de ne pas être touchés par le Bunchy Top, la plus grave des maladies de cette plante. Conserver cette culture est donc primordiale.




Dans ce même état d’esprit, John expérimente. Pour pallier à une terre pauvre, rocailleuse, il plante en surélevant sur une terre recomposée et enrichie de compost. Les haricots « fayot » et « km » qu’ils observent depuis quelques mois semblent appréciés. Ailleurs il croise des graines de manioc pour faire éclore de nouvelles variétés, peut-être plus résistantes ou de meilleur rendement...

Graine de manioc

Haricot serpent

John nous explique à quoi peuvent servir aussi certains arbres…
Les racines aériennes de ce pandanus peuvent devenir des cordes. Pour cela, il faut les frapper au sol afin que les fibres, contenues à l’intérieur, se détachent. On les récupère alors pour les tremper dans l’eau de mer afin que le sel les blanchisse. Une fois séchées au soleil, les fibres sont devenues des cordes solides que l’on peut tresser ou utiliser comme telle.




Pour nettoyer les taches blanches qui parfois recouvrent les ignames, y frotter quelques feuilles de l’arbre appelé Bolé. Elles purifient également les mains et avant-bras de celui qui va entrer pour la première fois dans un champ pour le travailler.



En cas de piqure de rascasse, c’est la feuille de l’arbre appelé Benine qui vous soulagera...

  
John prend très à cœur d'expliquer à Sacha qui n'en perd pas une miette. On apprend ainsi que lorsque les hommes vont au champ, s'ils n'emportent parfois que de l'eau c'est qu'ils disposent de tout le reste... Il suffit de se baisser. Pour les protéines, quelques sauterelles ou les vers de bancoule contenus dans le bois des arbres peuvent faire l'affaire ! Sacha veut bien goûter mais s'il ne sait pas... Dans ce cas, il faudra faire griller les vers car si on tente de les manger vivant, ils se durcissent pour éviter qu'on les croque !



En passant par sa cuisine, avec une vue "land art" sur les avocats du jardin, John en profitera pour offrir à Sacha un bois sculpté qui servait à planter le taro. Il en est très très touché et n'a pas voulu s'endormir sans lui, posé au sol près de son lit.

 

Taro

John nous a invité à venir déguster sa production lors de la fête du Rekoko (l’igname nouvelle) organisée par son clan. Les bougnas de sa famille seront préparés avec ses fruits et légumes... « Sous l'effet de la chaleur, le jus devient vapeur au cœur des feuilles de bananiers. Cette cuisson à l'étouffé permet de conserver le goût de chaque aliment » en salive déjà John !

En attendant, ce sont les bras chargés de citrons et de pommes lianes que nous repartons, la tête et le cœur pleins aussi... Quel personnage !




1 commentaire:

  1. John est une belle personne et son respect pour notre sainte terre me touche aux larmes. Quelle joie de lire cet article et de voir qu'il y a des gens sur cette terre qui ont compris l'essentiel, vivre en équilibre. Merci Sophie de partager tes tranches de vie.

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